Le génie du faux - La passion Vermeer by Patrick Pesnot

Auteur:Patrick Pesnot [Pesnot, Patrick]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Peinture, Art, Biographie historique, Faussaires
ISBN: 9782755635645
Éditeur: Hugo Document
Publié: 2017-10-10T22:00:00+00:00

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Jo ne lui posa pas de questions. Et Han ne lui donna aucune explication au sujet de sa longue absence. Mais dès ce moment, le couple donna l’exemple d’une exceptionnelle prodigalité. On les vit jouer gros à Monte-Carlo, fréquenter les établissements les plus élégants et les boutiques de luxe de la Côte d’Azur. Même à Roquebrune, les villageois ne manquèrent pas d’observer que le train de vie des van Meegeren était devenu encore plus dispendieux. Et si un habitant se hasardait à l’interroger à propos de cette subite bonne fortune, Han répondait qu’il avait gagné à la Loterie nationale. S’il était vrai qu’il achetait un billet chaque semaine, pouvait-on croire ce diable d’homme qui semblait ne jamais prendre la vie au sérieux ?

L’oisiveté, aussi agréable fût-elle, ne tarda pas à lui peser. Van Meegeren disposait toujours de toiles anciennes. Il se remit au travail. Sagement, il délaissa pour un temps Vermeer car la survenue d’une nouvelle œuvre du maître de Delft, si peu de temps après la miraculeuse découverte du Christ à Emmaüs, n’aurait pas manqué de paraître suspecte. Mais il ne s’éloigna guère de son cher Vermeer : il choisit l’un de ses contemporains, Pieter de Hooch, établi lui aussi à Delft, et qui avait sans doute subi l’influence du maître de la lumière. À l’imitation de ce dernier, de Hooch avait excellé dans les scènes domestiques, et son chef-d’œuvre, Joueurs de cartes dans une chambre ensoleillée, était l’un des joyaux de la collection royale de Buckingham Palace.

Ce fut justement en s’inspirant de ce très beau tableau que van Meegeren conçut son Intérieur aux buveurs. Usant de toute la panoplie technique qu’il avait patiemment mise au point tout au long de l’élaboration de son faux Vermeer, il se surpassa1 et peignit d’un pinceau sûr et talentueux un De Hooch d’une troublante vraisemblance. Il emprunta au vrai Joueurs de cartes dans une chambre ensoleillée une partie de son décor et même quelques-uns de ses quatre personnages principaux, asseyant l’une, relevant un autre. Et, ainsi que dans le tableau de Pieter de Hooch, il ajouta une servante que l’on découvrait en arrière-plan dans l’encadrement d’une porte ouverte. Enfin, clin d’œil adressé à la sagacité des observateurs, il plaça sur la table un pichet blanc en tous points semblable à celui qui se trouvait à la gauche du Christ dans son précédent faux.

La toile, soumise à la cuisson et vernie, pouvait maintenant être vendue. Il fit de nouveau appel au bon Docteur Boon auquel il confia que ce Pieter de Hooch était derechef extrait du patrimoine dont avait hérité la mystérieuse Mavroeke. Et, tel le Vermeer, il avait franchi clandestinement la frontière franco-italienne, ce qui justifiait que l’anonymat de la vendeuse fût sauvegardé. L’ancien député n’y vit pas malice et accepta de s’entremettre. Il contacta un marchand connu qui sut y intéresser un célèbre mécène hollandais, le richissime armateur Daniel George van Beuningen qui avait déjà rassemblé à Rotterdam la plus importante collection d’œuvres du siècle d’or. L’acquisition d’Intérieur aux buveurs

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